La mixité des zones urbaines

La mixité des zones urbaines - axite immobilier

Zones résidentielles, d’activité ou bien commerciales… Nombreuses sont les agglomérations à avoir sectorisé leur territoire. Comportant son lot d’avantages, tels que la praticité d’usage en proposant des lieux de travail, de consommation et d’habitation, l’urbanisme sectoriel mène progressivement à la perte ou à l’appauvrissement de la mixité urbaine. Sous l’impulsion du programme « Action Cœur de ville », nombreux sont les élus à vouloir redynamiser leurs centres villes. L’avènement de de la nouvelle loi climat pour enrayer de l’artificialisation des sols en gelant la création de nouvelles zones commerciales, les pousse à s’interroger quant à un réagencement de leur territoire au profit d’une meilleure cohabitation des espaces. Mais est-ce si simple en pratique ?

L’urbanisme par zonage doit son essor aux écrits de l’architecte Le Corbusier en 1933 avec la publication de la charte d’Athènes. Elle rassemble les grands principes de la planification urbaine et de la séparation des fonctions dans l’espace. Sa philosophie ? Changer le monde en changeant la ville. Véritable bible des urbanistes et des architectes, elle continue d’influencer notre conception moderne de l’urbanisme au travers la création de parc d’activités, zones industrielles, cités universitaires, lotissements pavillonnaires, zones commerciales, parcs de loisirs…

Les raisons du succès de la mixité des zones urbaines

Outre son ambition d’édifier des villes ordonnées, la charte d’Athènes n’aurait pas connu un tel succès – avec pour preuve la prolifération des zones urbaines – s’il n’y avait autant de facilités. La construction ou l’extension sur un terrain vierge est en effet beaucoup plus simple que l’intégration en milieu urbain avec des bâtiments existants et surtout bien moins coûteuse. La spécialisation des espaces présente également l’avantage de contourner les inconvénients de la mixité urbaine. Ce qui est incontestable. Personne n’aime le bruit généré par les livraisons matinales des commerces ou les nuisances nocturnes liées aux bars et restaurants. La cohabitation de logements, complexes commerciaux, grands équipements et entreprises impliquent souvent de réelles contraintes, comme des difficultés de stationnement, des encombrements routiers mais aussi des nuisances visuelles et sonores préjudiciables à la vie résidentielle. Le zonage, s’il est bien pensé, offre un accès digne de ce nom en bordure d’une voie rapide et surtout des parkings en nombre et gratuits. Un gain de temps et d’argent.

Du point de vue des entreprises, les zones d’activité ont également leurs points positifs avec une position géographique souvent centrales pour leur clients et salariés ou du moins aisément accessibles, des parkings, la proximité avec d’autres entreprises, des services centralisés. Autant d’atouts pour exercer leurs activités dans de bonnes conditions et fidéliser leurs collaborateurs. Objectivement, la spécialisation des zones a donc ses charmes même si elle peut également engendrer son lots d’embouteillages.

Un défi urbain qui ne date pas d’hier

Malgré toutes les qualités de la compartimentation urbaine, celle-ci entraine plusieurs difficultés de taille : l’étalement des métropoles au détriment des territoires agricoles et des espaces verts et la désertification des centres. Les frontières s’agrandissent, les trajets s’allongent, on assiste à la formation de « edge cities » (villes-lisières). La métropole perd progressivement son caractère centralisé. En effet, quel est l’intérêt d’emménager en ville ou d’y faire un tour, si l’ensemble des services se trouvent à l’extérieur ? De plus en plus de professions libérales font même le choix de s’installer en périphérie ou en parcs d’activité principalement pour les possibilités de stationnements et parce qu’ils trouvent davantage de bâtiments neufs ou récents répondant aux normes ERP, nécessaires pour recevoir leurs clients dans de bonnes conditions. La multiplication des zones ou l’étalement de celles-ci pose un autre problème : celui de la concurrence. Cette addition continue de nouveaux mètres carrés finit par peser sur ceux précédemment construits. Pour prendre l’exemple des zones commerciales, l’ajout de surfaces ne multiplie pas le nombre de clients d’une zone de chalandise. Par contre, elle impacte la part de marché des autres pôles et participe à la détérioration de l’attrait des centres villes en contribuant au déménagement d’enseignes jusqu’alors présentes. Les pôles d’attractivité se déplacent et certains secteurs connaissent un déclin progressif. Pour les parcs d’activités professionnelles, le dilemme est identique, on étend les zones pour construire des programmes neufs mais on ne rénove pas les bâtiments anciens qui deviennent progressivement vides. Seule limite à cette surenchère : le manque de fonciers disponibles sur certaines agglomérations qui poussera probablement les élus et les opérateurs privés à s’interroger sur l’optimisation de l’existant et la réversibilité des immeubles.

La disparition de ces zones n’est bien évidemment pas envisageable. Outre le fait que leur suppression serait irréaliste, il est bon de rappeler qu’elles sont vecteurs d’emplois et d’attractivité pour les communes qui les abritent et qu’elles contribuent à leur dynamisme. L’enjeu futur sera un meilleur encadrement de ces zones en veillant à leur qualité, limitant le suréquipement pour qu’elles ne se vampirisent entre elles et ne contribuent pas à absorber les activités du centre-ville. L’avenir nécessitera certainement de penser la cité dans sa globalité et non plus par zone. Un autre enjeu de taille consistera pour les zones périphériques existantes à installer en leur sein un niveau élevé de services (restauration, crèches, services à la personne, activités sportives) permettant aux salariés d’y avoir accès sans nourrir les flux du trafic pendulaire. Toutes les études le prouvent : une énorme majorité d’employeurs et de salariés plébiscitent cette mixité. Or, elle se heurte à des zonages de PLU souvent restrictifs et binaires. Les zones périphériques elles aussi ont droit à leurs services de proximité.

Un exercice à la fois long et difficile. La suite dans les décennies à venir…