Le rendez-vous était donné à tous les acteurs de l’immobilier d’entreprise jeudi 23 janvier au Château de Candie pour la 4ème édition de la conférence Point Marché Axite CBRE. Chaque année l’événement rassemble de plus en plus de monde. Cette session n’a pas dérogé à la règle puisqu’elle a regroupé une centaine de personnes composées de promoteurs, d’investisseurs, d’utilisateurs et d’institutionnels. L’occasion de découvrir les grandes tendances d’un marché reflet du dynamisme des agglomérations du Grand Annecy et de Chambéry Grand Lac. Retour sur les faits marquants de cette table ronde.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, la conférence démarre par un bref aperçu des indicateurs économiques des deux Savoie plus qu’au vert au regard des moyennes nationales :
- démographie : de 0.9% pour Chambéry Grand Lac et 1.3% pour le Grand Annecy (contre 0.4 % à l’échelle française)
- taux de chômage : respectivement de 6.4% et 5.4% (contre 8.3% sur l’hexagone)
L’attractivité des deux territoires n’est donc plus à prouver. Les entreprises ne s’y trompent pas, on en compte de plus en plus chaque année. Selon l’INSEE, 2.265 nouvelles sociétés ont été créées en 2018 sur Chambéry Grand Lac (+14%) et 2.264 sur le Grand Annecy (+22%).
Marché des locaux d’activité | Des transactions qui performent malgré des blocages structurels
La demande placée : un marché qui s’est surpassé en 2019 sur les deux Savoie
Du côté de l’agglomération annecienne, Jean-François Berthier (directeur d’Axite CBRE Annecy), se réjouit d’une « si belle performance » puisque 65.000 m² ont été placés en 2019, « alors que l’offre demeure particulièrement tendue depuis plusieurs années. Il s’agit d’un volume proche du meilleur cru de ces 5 dernières années »
Ce résultat est méritoire quand on connaît les difficultés structurelles d’approvisionnement du stock de locaux, se traduisant dans les chiffres depuis deux ans par des transactions en recul. Il s’explique entre autres par 3 gros dossiers dont deux clés en mains :
- un bâtiment dédié à la Poste de 7.622 m²,
- un quai de messagerie de 6.800 m² à Seynod
- la location de 5.680 m² à usage d’activité à Poisy pour un agenceur.
- de nombreux comptes propres de taille moyenne (de 1.000 à 2.000 m²) viennent également participé à ce volume placé ainsi que quelques transactions supérieures à 2.000 m²
Chambéry Grand Lac n’est pas en reste : la demande placée progresse encore de 11% en 2019 avec 78.000m² cumulés. « La vitalité économique au niveau macro mais également à l’échelle de notre territoire en est principalement responsable. Les entreprises embauchent et investissent dans de nouvelle machines, ce qui a naturellement des conséquences sur les volumes transactés » précise Xavier Troillard, directeur d’Axite CBRE Chambéry.
Les secteurs plébiscités par les entreprises restent les zones historiques telles que Bissy ou l’Erier, toujours très demandées mais où l’offre est rare. Le secteur de Savoie Hexapole attire également, tout comme le sud de Chambéry et les environs de Montmélian, que cela soit à Alpespace ou sur l’axe Grenoble / Albertville. Peu de transactions ont été relevées dans le neuf en 2019. Hormis certains comptes propres, 3 programmes neufs sont en cours de commercialisation et aucun n’est disponible immédiatement. La majorité des transactions se réalise donc dans l’ancien.
Face à une demande exprimée toujours plus forte, les territoires savoyards peuvent-ils accueillir d’avantage d’entreprises ?
La demande exprimée se porte également bien affichant une croissance de +23% en Savoie et de +21% en Haute-Savoie avec une typologie d’entreprises en recherche assez similaire sur les deux départements.
- En Haute-Savoie « les secteurs les plus actifs durant 2019 ont été les industriels (alimentaire, ameublement et agencement…), également le bâtiment et ses satellites (négoce, second oeuvre), ainsi que le transport mais dans une moindre mesure » constate Grégory Dordet, consultant. La principale motivation des demandes est le besoin de surfaces nécessaires au bon développement de l’activité. Elles sont majoritairement locatives. Les structures locales équilibrent les succursales de grands groupes, même si ces dernières restent majoritaires pour le secteur du BTP et du transport.
- Du côté de la Savoie, l’augmentation s’explique du fait du marché bien sûr, mais aussi des demandes en attente qui se cumulent. « En effet, on remarque que le niveau de demande exprimée est largement supérieur à ce que nous pouvons offrir. Nous avons des demandes que nous suivons depuis plusieurs années, sans parvenir à apporter de solutions » précise William Volat, consultant, avant d’ajouter « les industriels reviennent en force dans la demande exprimée, et on ne peut que s’en réjouir. Nous avons de plus en plus de clients qui ont réintégré leur production jusqu’alors délocalisée, par exemple en Asie ou dans les pays de l’Est. »
L’offre actuelle et future répond de façon partielle aux besoins des utilisateurs
Sur le Grand Annecy, Jean-François Berthier et son équipe remarquent des mouvements aléatoires du stock, au gré des libérations de locaux.
A ce jour, l’offre de foncier public promet très peu de perspectives aux utilisateurs et la visibilité de développement de nouveaux secteurs est faible. A noter un phénomène nouveau, l’interventionnisme de la puissance publique, qui agit par préemption sur des opérations privées dans des secteurs bien précis de l’agglomération (Pringy, Vovray, Cran Gevrier et Meythet). Au-delà de la constitution de réserves foncières, les professionnels s’interrogent sur le délai et les conditions de remise sur le marché de ces sites, qui font cruellement défaut aux utilisateurs en l’état actuel de la demande. Malgré une légère progression grâce à la libération de bâtiments de taille moyenne, le stock reste dans son immense majorité inadapté aux demandes des utilisateurs. Quelques perspectives de programmes neufs existent néanmoins, avec des livraisons entre 2020 et 2021. « Cependant, les surfaces attendues à court terme sont pour l’instant très marginales au vu de la demande exprimée » observe Grégory Dordet. Deux opérations sont actuellement en précommercialisation :
- Les Granges de l’Artisanat à Rumilly, offrant 1.100 m² de locaux divisibles
- Le programme d’Avantages représentant 1.200 m² sur la zone des Césardes à Seynod.
- Des perspectives plus significatives existent : un village d’entreprises à Rumilly de même que la valorisation d’une partie du site Alpine Aluminium de Cran-Gevrier sont dans les cartons. Ces deux opérations conforteront potentiellement l’offre. On peut également citer la friche Rectiphase à Pringy (8.286 m² qui devrait faire l’objet d’une démolition/reconstruction sous 24 mois.
Le renouvellement de l’offre reste difficile pour le marché de Chambéry Grand Lac, « et cela ne va pas s’améliorer » observe Xavier Troillard.
« Le stock baisse de 10%. Si on considère le volume d’immeubles récents et aux normes, c’est encore plus marqué. » A ce jour, quatre programmes neufs sont disponibles à la commercialisation. L’un entièrement commercialisé et localisé à Grésy sur Aix, le second à Savoie Hexapole qui avance vite : la première tranche de 3.000m² est sortie de terre. Un projet à Alpespace est en cours de commercialisation. Enfin, le dernier programme se nomme Cellier 2.0, il verra le jour à Grésy-sur-Aix. Par ailleurs, des développements de parcs d’activité sont en cours, comme celui des Sources à Grésy-sur-Aix, l’extension d’Alpespace, la ZAC des Marches ou bien encore les abattoirs à Chambéry … Cependant, ces opérations sont maîtrisées par la collectivité. Les terrains sont donc la plupart du temps cédés en gré à gré à des utilisateurs en comptes propres, ce qui ne résout pas le problème d’offre neuve disponible. A défaut, cela permet tout de même la libération de surfaces jusqu’alors occupées par les entreprises qui migreront vers ces parcs.
Une évolution de la courbe des valeurs comparable sur les deux départements
- En Savoie, la valeur dites « prime » correspondant aux locaux neufs, atteint la barre des 1.500€HT/m² pour le programme Celier 2.0 à Grésy-sur-Aix. « Cela ne signifie pas que tous les immeubles sont commercialisés à ces prix, mais cela donne le ton et permet aux autres immeubles d’échelonner leur valeur en fonction » explique Xavier Troillard. Il y a donc fort à parier que d’autres immeubles atteindront ce seuil, compte tenu de la raréfaction du foncier qui se confirme en Savoie. La valeur foncière dépasse aujourd’hui 100 €HT/m², depuis quelque temps déjà, mais nous voyons désormais certains terrains se rapprocher des 150€HT/m², voire les dépassera au vu de la pénurie qui demeure réelle.
- En Haute-Savoie, Jean-François Berthier note la poursuite, voire l’amplification des tensions sur les valeurs du fait de la rareté de l’offre. Il observe des prix de cession historiquement élevés sur des actifs anciens. Les loyers suivent dans une moindre mesure les mêmes orientations. Le neuf atteint des sommets, les rares offres proposées s’approchant des 1.500€HT/m². Du jamais vu à Annecy ! Se pose donc la question de la capacité des utilisateurs à intégrer à l’avenir de telles valeurs dans leur budget de fonctionnement ou d’investissement.