Dopée par le e-commerce, la course à l’implantation d’entrepôts explose et devient un véritable challenge pour les acteurs du secteur et un nouveau défi de la logistique urbaine. Etat des lieux d’un marché en plein essor à l’échelle du sillon alpin.
Un enjeu aussi bien économique qu’écologique
Quand on sait à quel point le délai de livraison représente un élément crucial dans le processus d’achat d’un internaute – on considère que 50% des consommateurs français ont déjà abandonné leur panier à cause de conditions de livraisons jugées insatisfaisantes (source : Fédération de l’E-commerce et de la Vente à Distance – FEVAD) – on comprend mieux pourquoi l’amélioration de la chaîne de distribution passe par une meilleure gestion de la logistique et tout particulièrement celle du dernier kilomètre.
Cette dernière étape du circuit s’effectue lorsque le colis passe du transporteur de marchandises en gros volume à la livraison au destinataire final. Ce tout petit dernier kilomètre pèse à lui seul 25% du coût global de la chaîne de distribution notamment en ce qui concerne les biens de consommation grand public et il concentre 30% des émissions de gaz à effet de serre. Côté trafic, il monopolise 20% de ce dernier dans la plupart des villes françaises.
Dès lors, gérer l’acheminement des marchandises en ville devient un véritable casse-tête pour les logisticiens et les transporteurs. D’autant que la livraison en 24/48 heures devient le nouveau standard de la vente à distance. Il faut désormais livrer vite tout en réduisant l’impact financier et environnemental.
A la recherche du foncier logistique
Même si de multiples stratégies visent à diminuer l’impact de la logistique du dernier kilomètre (dépôts urbains, entrepôts à étages, véhicules propres, alliances avec le commerce physique …), il n’en reste pas moins que le besoin de plates-formes et d’espaces de stockage demeure, voire augmente. D’autant plus dans les zones très sollicitées où le foncier est rare et où les collectivités locales regardent l’arrivée d’entrepôts avec un œil circonspect par peur des nuisances (sonores, stationnements, embouteillages…). L’équipe de consultants Axite CBRE spécialisés dans les locaux d’activité s’accordent à dire que, sur certains secteurs du sillon alpin, répondre à ce besoin s’apparente à une mission impossible.
« Sur l’agglomération de Grenoble la demande explose mais le marché reste tendu, spécialement pour les domaines de la logistique » explique Paul-Olivier Escallier, avant d’ajouter « beaucoup de sollicitations, mais les entreprises ne parviennent pas à s’implanter principalement en raison du plan de prévention des risques, des contraintes topographiques et du faible ratio surfaces/emplois freinant la mise à disposition de terrains pour ce type d’activité. ».
Le constat demeure identique sur l’agglomération annecienne. Grégory Dordet est forcé d’admettre que le manque de biens perdure malgré une demande toujours plus forte autour d’Annecy, et ce, qu’il s’agisse de grandes ou de petites surfaces. « De manière générale, le taux de vacance est extrêmement faible sur ce secteur, signe d’une forte tension. Un dilemme d’autant plus difficile à résoudre que jusqu’à présent, les entreprises confrontées à un défaut d’offres, faisaient le choix d’implantations plus reculées et se reportaient vers le Pays de l’Albanais (Rumilly et Alby-sur-Chéran). Un bon compromis en termes de distance et de prix. Mais même ces deux localités ont vu à leur tour leur stock fondre drastiquement ces dernières années ».
Le bassin chambérien n’échappe pas à cette tendance. « La topographie du territoire rend la construction d’espaces logistiques difficiles et les terrains disponibles aux abords de la ville sont extrêmement rares » souligne William Volat. « Quant au stock, il est presque inexistant et l’infime nombre d’offres disponibles est souvent inadapté aux besoins des utilisateurs avec des valeurs faciales bien trop élevées au regard d’une qualité plus que médiocre”.
Cette tension palpable sur les marchés du sillon alpin entraîne inévitablement une hausse des prix, même si on ne peut pas parler jusqu’à présent d’une flambée. Un élément décisionnel plus qu’essentiel pour les acteurs qui ont une sensibilité extrême face aux valeurs locatives. Chaque euro supplémentaire les pénalise dans leurs objectifs d’optimisation des coûts d’acheminement.
Seul la région de Valence semble tirer son épingle du jeu ne serait-ce que grâce à la physionomie aplanie de ses paysages, son offre foncière à prix correct, mais aussi parce que ce point névralgique des échanges européens Nord-Sud bénéficie d’un réseau de transport dense. Allo Pneus a d’ailleurs fait le choix de cette localisation pour sa nouvelle plate-forme logistique. Le géant du pneu online a signé en début d’année 2017 pour 42 000 m² à Portes-les-Valence. Il est programmé à terme une extension de 42 000 m², portant le tout à 84 000 m². D’autre part, le lancement « en blanc » d’une plate-forme logistique de 36 000 m² est en cours au sud de Valence, à Etoiles-sur-Rhône, preuve des possibilités qu’offre ce territoire. « Malgré ce dynamisme apparent, à l’instar des secteurs de mes confrères, on constate le vieillissement inéluctable du stock, voire sa pénurie imminente sur certains emplacements géographiques. Les bâtiments libérés sont anciens. Ils nécessiteraient pour certains des restructurations lourdes. » conclut Christine Moret.
Un marché de la logistique en pleine mutation sur le sillon alpin et qui va devoir envisager de nouveaux modèles constructifs. Bientôt l’apparition des entrepôts à étages comme on peut les observer sur de récents projets parisiens et étrangers ?