La promotion immobilière affronte une crise sans précédent : le manque de matières premières. Métaux, minerais (cuivre, nickel, zinc, acier), caoutchouc, plastique, bois connaissent une pénurie qui ne semble pas vouloir s’arrêter avec pour conséquence une hausse des prix du marché et un allongement des délais de livraison. Sans parler de l’envolée du pétrole qui contribue également à l’inflation des coûts de la construction.
Par ailleurs, il est clair que certains acteurs de la chaine d’approvisionnement ont clairement accentué l’effet d’aubaine constitué par les phénomènes décrits plus haut en “modulant” plus que de nature leurs mises sur le marché, accentuant ainsi la flambée des prix. Dans toute crise, la spéculation et le court-termisme ne sont jamais absents.
L’immobilier résidentiel n’est pas le seul à pâtir de cette situation, l’immobilier professionnel en subit aussi les répercussions.
Une succession d’obstacles qui freinent la reprise de la construction immobilière
Depuis près de deux ans, l’économie de la construction connaît des blocages du fait d’un manque de matières premières et de l’augmentation continue des prix. C’est en partie dû à la crise de la covid-19, mais pas seulement. Plusieurs facteurs entrent en jeu.
- Les plans de relance des marchés américains et asiatiques consomment beaucoup de matériaux avec comme effet des augmentations de prix et d’importants décalages d’approvisionnements. Même si les chantiers sont locaux, notre économie reste mondialisée et interdépendante.
- Le conflit géopolitique canado-américain autour du bois d’œuvre a contraint les Etats-Unis à s’approvisionner auprès des pays d’Europe de l’Est. Les importations montent en flèche, car le besoin de logements explose aux USA et leur mode de construction utilise beaucoup de bois ce qui contribue à l’accroissement de la demande. Les projets en bois ont ainsi vu leur prix grimper et la filière menace de se raréfier prochainement.
- Les transports maritimes connaissent également des difficultés consécutives. Les mesures de confinement ont contraint les armateurs à mettre des flottes à l’arrêt entraînant une accumulation de retard. La guerre russo-ukrainienne détourne les flux maritimes et provoque une crise de l’énergie. Des incidents viennent ajouter leur pierre à l’édifice, tel que l’accident de l’Ever Given. Ce porte-conteneur géant a bloqué le canal de Suez en mars 2021 et a empêché le transit de plus de 20 millions de tonnes de marchandises à l’exportation, immobilisant 10 % du commerce mondial. À cela s’ajoute la désorganisation de la chaîne logistique, qui subit un manque de main-d’œuvre dans le secteur.
- La nouvelle réglementation énergétique RE2020, destinée à réduire l’empreinte carbone des bâtiments neufs, la mise en place du Pass Rénov, ainsi que du décret tertiaire, augmentent les exigences en matière de construction comme de rénovation des logements et des locaux professionnels. L’ensemble de ces mesures favorise de ce fait la poussée des coûts de construction vers le haut. D’autant plus avec la forte reprise de l’activité qui a suscité un accroissement de la demande et donc des carnets de commandes.
- Enfin, la guerre en Ukraine complète le tableau puisqu’elle a entraîné une énorme instabilité sur les différents marchés en augmentant notamment la volatilité des prix de l’énergie. Le prix du gaz naturel a été multiplié par cinq.
L’impact sur la promotion immobilière
L’offre amoindrie de matières premières et les difficultés d’approvisionnement, couplées à la hausse de l’énergie et du fret maritime viennent se répercuter sur les prix de la construction.
La fédération française du bâtiment FFB enregistre des hausses records sur les tarifs du plastique, du PVC, de l’acier ou bien encore du cuivre. Selon la fédération, ils ont augmenté de +30 à +50%. L’INSEE observe une progression de +31,3% sur les tarifs de l’acier de construction, + 28,6% sur le PVC ou encore +22,2% sur le cuivre.
Sans parler de l’aluminium qui dépend de l’offre russe. Il a dépassé les 4000 $ la tonne cette année et a atteint un record historique. Le ciment très énergivore est lui aussi pénalisé par la volatilité des prix de l’énergie. Quant au bois, on ne l’arrête plus, il explose littéralement.
Tous les matériaux sont concernés sans exception. Si vous ajoutez à cela, le coût de fret d’un conteneur qui a presque été multiplié par 5, les promoteurs n’ont plus qu’une priorité : faire en sorte de maîtriser les prix comme ils le peuvent.
Quelles solutions s’offrent alors à eux ? Augmenter les prix d’achat ou les loyers pour les clients, mettre en place des clauses de révision de prix pour les VEFA ou ralentir les chantiers en attendant que ça aille mieux.
Toujours est-il que ces ripostes ne sont pas sans compromis puisqu’elles impliquent soit de verser des pénalités de retard dans les cas de ralentissements de chantiers, soit d’augmenter les tarifs. Et comme chacun s’en doute, justifier une augmentation du prix final en raison du coût de la construction, sans endommager la relation commerciale, demeure un exercice plus que délicat.
Rappelons également que les pré-commercialisations sont plus complexes dans l’immobilier tertiaire que dans l’habitation. En effet, les entreprises préfèrent le plus souvent des projets largement sortis de terre car elles parviennent mieux à s’y projeter et à concilier avec leurs impératifs et délais. Les locaux d’activité et industriels neufs sont quant à eux moins soumis à cette réalité sur nos territoires.
La rareté de l’offre et du foncier disponible pousse les chefs d’entreprises à se positionner rapidement sur les programmes, qu’ils soient en VEFA ou en blanc.
D’autre part, dans le cadre d’un lancement en blanc, la clause de révision présenterait moins d’intérêt pour les promoteurs que dans le cas du logement. Les chantiers étant généralement plus courts, le prix des matières premières a moins de chances d’évoluer radicalement en quelques mois entre la signature et la livraison.
Pour les investisseurs, la solution pourrait résider dans l’augmentation des loyers, comme ils peuvent être fixés librement dans la limite du cadre prévu par la loi.
Mais attention aux éventuelles disparités, car le taux d’effort des entreprises quant à leur charge locative n’est pas infini.
Reste alors un moyen : proposer des lots plus petits pour le même coût ou rogner sur la marge. Là encore difficile de sortir gagnant de part et d’autre de l’équation.
A ce contexte particulièrement épineux, s’ajoute un autre enjeu de taille : la mise en place de la Réglementation Environnementale 2020, qui appliquera de nouvelles normes énergétiques drastiques dès 2023 pour l’immobilier tertiaire.
La RE2020 aura pour résultat de participer à la flambée des coûts de la construction, rendant encore plus difficile le maintien des prix. De quoi mettre les promoteurs sous tension !
Finalement quelle que soit la solution envisagée, la hausse des matières premières aura fatalement des incidences et pourrait faire de l’immobilier neuf l’un des grands perdants de cette crise.
Quel futur pour la construction immobilière ?
La crise étant mondiale, difficile de prédire l’évolution du coût des matières premières à court comme à moyen terme. Une chose est sûre les prix ne semblent pas vouloir baisser dans les prochains mois, voire en 2023.
Les coûts de la construction vont rester élevés tout comme l’inquiétude grandissante des professionnels face aux risques encourus de pénalités de retard et de baisse de rentabilité. La fédération française du bâtiment FFB demande la mise en place de mesures d’urgence aux pouvoirs publics et notamment le gel des pénalités de retard lorsque des difficultés d’approvisionnement sont avérées.
Première avancée, le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance a accepté cette revendication concernant les marchés publics et a recommandé le gel des pénalités de retard tout en rappelant que les marchés publics de plus de trois mois doivent obligatoirement prévoir des mécanismes d’indexation des prix.
Certaines entreprises font preuve de créativité et trouvent des solutions au travers l’économie circulaire en faisant appel à des matériaux de construction de seconde main. Un Vinted du BTP en quelque sorte. Une solution concrète qui devrait prendre de l’ampleur dans les années à venir, surtout avec les enjeux écologiques.
Affaire à suivre…